L’accouchement traditionnel

 
Avant mon arrivée dans le Chiapas, je n’avais jamais entendu parler des « parteras » ces sages-femmes traditionnelles de la région. Les « parteras » sont très importantes dans les communautés indigènes car elles se servent de leurs connaissances uniques des plantes médicinales pour que l’accouchement se passe dans les meilleures conditions possibles d’autant plus que la « médecine moderne » n’y est pas accessible. La dimension spirituelle de leur travail est aussi essentielle. Par exemple, la « partera » se doit de connaître  les rituels pour éloigner le « mal ojo » ou mauvais œil du nouveau né.

La Partera joue certes un rôle essentiel cependant il faut également  noter l’importance de la présence du futur père lors de l’accouchement. Alors que la femme accouche à genoux en fonction de la force de gravité, son mari lui fait face pour la soutenir physiquement et moralement. La partera, elle, se trouve derrière la femme et s’assure qu’il n’y a pas de complications : à cette fin la partera commence un rituel quelques peu étonnant voire déroutant pour  un non initié. En effet, celle-là prie trois fois pour protéger la mère et l’enfant tout en présentant devant le ventre de la mère une poule et un « refresco » (coca-cola le plus souvent). Une fois l’enfant né, l’homme doit creuser un trou dans la maison pour y enterrer le placenta. La tradition veut que  la façon d’enterrer le placenta détermine le sexe du prochain enfant  à naître dans la famille. 

Le suivi post-partum relève également de la partera qui s’assure que la femme et le nouveau-né restent en bonne santé.

Doña Sebastiana partage son parcours de Partera

Malgré les quelques informations que j’ai pu glaner ça et là sur les parteras, je reste intriguée par la pratique de ces femmes exceptionnelles.  L’information à leur sujet est peu accessible mais au bout de quelques jours de recherches la chance me sourit : grâce à Miguel du Musée de la Médicine Maya, je rencontre Doña Sebastiana Hernandez, présidente  de la OMIECH (Organisation des Médecins Indigènes  de l’Etat du Chiapas) et partera de son métier ! D’autres volontaires intéressées d’apprendre plus sur son métier, se joignent à moi pour une présentation. Doña Sebastiana nous explique alors son parcours personnel et comment à l’âge de 13 ans son intérêt pour le bébé de sa cousine l’a menée à devenir une partera. Sa cousine attendait un second enfant mais la grossesse ne semblait pas facile nous raconte Doña Sebastiana.

Lorsqu’elle a palpé pour la première fois le ventre de sa cousine, enceinte de 8 mois, elle a senti  comme si le bébé sautait.  Elle s’est inquiétée mais  a continué à « sentir » le bébé. Encore novice, elle n’arrivait pas à savoir par simple massage du ventre où se trouvait la tête et les membres de l’enfant.  Mais grâce à la connaissance qu’elle a accumulée au fil des années et les milliers d’accouchements pratiqués par la suite, Doña Sebastiana est en mesure de déterminer le sexe de l’enfant ou encore savoir s’il est bien positionné. Par exemple, elle nous apprend que si les cotés du ventre de la mère sont vides, c’est que l’enfant est bien positionné, si ce n’est pas le cas, elle devra alors commencer une série de petits massages et de pressions pour que l’enfant viennent à se positionner correctement avant l’accouchement.  En moyenne il faut 6 à 8 « revisadas » ou contrôles avec petits massages pour pouvoir repositionner l’enfant nous dit-elle. 


Enfin, lorsque l’enfant est sur le point de naître, la partera utilise les plantes médicinales pour accélérer l’accouchement, la plus utilisée est la plante dite de « San Martin » qui est infusée. Ensuite la partera par petites pressions du ventre aide le bébé à sortir. Lorsque l’enfant nait, la partera le nettoie avec de l’eau chaude pour lui éviter de mauvais rêves. Puis elle donne à la mère un thé de « Nixto », autre plante médicinale utilisée pour nettoyer la matrice. En général, nous explique Doña Sebastiana, l’accouchement dure entre 8 et 12 heures et elle conclut en remerciant « Diosito » que tout au long de son expérience aucune complications n’aie surgit.

Nous repartons étonnées de découvrir l’étonnante précision de cette médecine traditionnelle qui se passe de  technologie et regrettons qu’elle soit autant méconnue.
 

Pour aller plus loin :

Musée de la médecine Maya – San Cristobal de las Casas  -
www.medicinamaya.org

Par Julie